08 Août

INCURSION À VOL D’OISEAU DANS NOTRE CLASSE PLEIN AIR

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*** Cet article a d’abord été publié pour nos membres dans les Inspirations de l’OIECEC de décembre 2022.

Par Catherine Lapointe, enseignante de 2e année à l’école du Campanile

Parfois, j’entends « J’aimerais être un petit oiseau pour voir ça. » Si je vous dis que je vous donne des ailes de mésanges l’instant d’un texte pour entrer avec moi dans notre classe plein air de 2e année, ça vous tente?  

Notre petite école publique de Québec est enracinée autour d’une forêt assez dégarnie pour apercevoir un chemin pavé et quelques commerces. Mais l’école a pour moi une conception plus vaste, plus grande. Faire tomber les murs, ouvrir les portes sur la communauté et la nature autour c’est prendre le plein potentiel du milieu pour faire naître les découvertes et ancrer les apprentissages. Concrètement, j’ai décidé il y a 6 ans de sortir avec mes élèves pour faire une période par jour dehors, dans le petit chemin qui mène aux commerces du quartier et dans la petite forêt de bouleaux. Par curiosité ou délinquance pédagogique ou par besoin de faire vivre de nouvelles expériences sociales ou pour toutes ces raisons.   

L’apprentissage par la nature et dans la nature m’appelait. Je sentais que les enfants en avaient besoin. J’aime les observer. Leurs comportements dans la classe étaient des manifestations qui méritaient qu’on y porte attention. Les enfants ont besoin de bouger. Les enfants ont besoin de concret. Les enfants ont besoin de répétition. Les enfants ont besoin de créer seuls et avec les autres. Ils ont besoin de choisir. Ils ont besoin de se sentir utiles et engagés. Les enfants ont besoin d’expérimenter, de prendre des risques. Les enfants ont besoin de se connecter au vivant. Les enfants ont besoin de s’exprimer, de développer une identité. Les enfants ont besoin de liberté.   

J’aurais pu tomber dans le piège « Pas assez de temps », « Pas d’infrastructures ». Mais je sentais l’urgence de migrer, d’évoluer, de retourner à l’essentiel. Pour mes élèves et moi. Du moins pour contribuer à diminuer le déficit nature chez les enfants de notre époque.   

Tout le monde a un « dehors », alors pourquoi se mettre des freins? Parfois, on attend un certain appui des infrastructures coûteuses qui, malheureusement, reproduisent tristement une classe figée en rang d’oignon. La nature telle qu’elle est nous offre un environnement ouvert, flexible, évolutif, parfois imprévisible, mais riche d’apprentissages. Elle honore les cycles et accueille le changement. Tout ça gratuitement. Un don que l’on ne devrait pas ignorer.    

Après quelques semaines d’expérimentation à l’extérieur avec rien d’autre qu’un sac à dos et un peu d’imagination, je n’ai pas eu besoin d’arguments supplémentaires pour faire de la pédagogie par la nature, un rituel, une philosophie. Sans me mettre de pression, nous sortons simplement pour lire une histoire et saluer des gens. Parfois, pour faire un petit rallye mathématique sur l’heure accroché aux arbres ou écrire les mots de la semaine à la craie ou créer un lexique forestier. Nous travaillons la mesure avec des unités de mesure non conventionnelles comme des noisettes, des roches, des branches. D’autres fois, surtout à l’automne et au printemps, nous partons écrire avec les 5 sens avec le vent doux et les sons de la forêt jumelés à ceux de la ville. Je laisse les enfants grimper dans les arbres pour apprendre à s’autoréguler et à co-gérer les risques. En hiver (oui nous célébrons la nordicité), nous nous amusons à comparer des nombres avec des graines d’oiseaux sur la neige ou nous installons des poèmes sur les arbres du sentier. Parfois, j’enseigne quelque chose qui occupe peu les pages des livres et les graphiques des programmes, la contemplation. Faire le vide et se remplir de beau. C’est un apprentissage important selon moi qui mériterait d’être traité avec respect.   

Toute ma planification n’a pas à être repensée. Il suffit d’y aller avec les besoins, ceux des élèves additionnés à ma réalité pédagogique. La somme est assurément la bonne réponse. En 6 ans, j’ai pu prendre le temps de réfléchir en lisant des articles scientifiques, d’échanger avec une communauté de pratique, de consulter des sites de ressources et de me former pour mieux vivre la classe nature au quotidien en participant au Colloque Apprendre à ciel ouvert. Maintenant, je choisis d’offrir plus souvent des activités CASPAR (connectées, amusantes, simples, précises, actives, responsables). Je suis plus tolérante à l’imprévisible, plus ouverte aux opportunités, plus connectée, plus douce envers moi-même. Je suis capable de définir des activités pour les ancrer dans le milieu et utiliser les situations authentiques pour créer des apprentissages profonds. Je comprends tous les bienfaits de la fréquence en classe plein air et l’impact sur la réussite scolaire, sociale et l’estime de soi.  

Parmi les moments forts, il y a eu la rencontre avec un couple curieux de savoir ce que les enfants faisaient assis dans la neige sous un arbre (ils adoptaient leur espace nature et faisaient de la pleine conscience). Finalement, ce couple est venu présenter leur voyage dans l’Ouest canadien à toute la classe. Une collaboration inattendue et fructueuse. Il y aussi eu le moment avec une dame qui s’est arrêtée pour que l’on caresse son chien et qui s’est mise à enseigner l’histoire à mes élèves, à raconter son époque. À la fin de l’échange, une élève lui a dit qu’il était beau son collier. Elle l’a alors détaché pour le remettre à la classe en leur faisant promettre d’être reconnaissants pour cette opportunité qu’ils avaient de pouvoir apprendre dehors. Et elle m’a demandé : « Vous allez revenir ici demain? ». Depuis ce jour, le collier de Rose-Hélène est dans notre classe. J’ai été touchée par cette rencontre humaine bilatérale. Un autre moment gravé, c’est une élève qui s’est attardée plus loin en parlant à une personne âgée. « J’ai ramassé sa canne qui était tombée, Madame Catherine. Nous avons jasé. Elle m’a fait un sourire. » Mais toi aussi tu me tires un sourire, j’ai pensé. Tu as tout compris de notre présence ici.   

L’intention d’aller apprendre le monde, dans le monde, grâce au monde était là sous mes yeux. Des ailes d’enseignante m’ont poussé je pense, depuis ce temps. Je sens maintenant l’élan de partager à mon tour mon vol d’oiseau dans « le dehors » formateur pour que l’on retrouve ensemble cet essentiel. 


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